Tous les bâtiments connaissent plusieurs vies. Les plus anciens ont souvent changé d’affectation et le mouvement se poursuit au gré des changements d’époque et de société: une ferme agricole qui devient musée, un hôpital qui devient palais de justice, un arsenal qui devient hôtel des archives, une église qui se transforme en salle d’escalade et bien sûr la transformation en logement. C’est cette dernière mutation, sans doute la plus fréquente, que Patrimoine suisse Genève (PsGe) entend mettre en lumière pour cette première édition du Prix. La forte demande actuelle en logements – et le fait que la LAT donne un cadre de non-mitage du territoire – accroît considérablement cette tendance et le patrimoine bâti en a souvent pâti. Pourtant de très bons exemples prouvent qu’il est possible de créer du logement de qualité au sein de bâtiments non prévus pour cette fonction au départ. Comment transformer les bâtiments anciens sans détruire leur substance, autrement dit comment densifier le patrimoine, pour habiter l’imprévu ?
Les critères d’appréciation des projets ont porté sur la relation au site et au contexte, l’adéquation du programme à l’objet, la prise en compte des impacts environnementaux (durabilité, approche thermique, intégration des nouvelles technologies, etc.), la cohérence constructive (qualité des matériaux et réemploi), les interprétations formelles et naturellement la qualité esthétique de la proposition. Parmi les projets déposés en 2024, le jury en a sélectionné 5 de grande qualité, qui ont été visités.
A l'issue des visites, c’est la réhabilitation, menée de 2019 à 2023, d’un bâtiment moderniste construit par Georges et Hedwige Addor qui a été choisie pour recevoir le Prix Patrimoine suisse Genève 2025 : la Maison de l’Ancre.
En distinguant la Maison de l’Ancre, le jury de cette première édition du Prix Patrimoine suisse Genève a souhaité́ récompenser la collaboration exemplaire entre le maître de l’ouvrage et les architectes. Seconde réalisation commune après la réaffectation de l’ancien « Hôtel Motte » en résidence pour personnes en situation de handicap, cette restauration prouve qu’une vision partagée et une démarche patrimoniale enthousiaste et rigoureuse permettent à l’architecture moderne d’après-guerre de satisfaire aux exigences normatives d’un programme social spécifique, de répondre aux enjeux environnementaux contemporains et de préserver – ou de retrouver – le témoignage constructif d’une époque et sa beauté́ intrinsèque. Cedric van der Poel, codirecteur espazium.ch
